San Cristobal de las Casas : Organisation sociale à l’échelle d’une ville

 

L’histoire de San Cristobal est liée à ses communautés indigènes. Dès 1969, l’évêque Samuel Ruiz fonde l’organisme DESMI (Desarrollo Economico et Social de los Mexicanos Indigenas), avec un objectif clair : Sortir les peuples indigènes de l’isolement et la pauvreté. Ils subissent alors une très forte discrimination, allant jusqu’à la non-reconnaissance et le non respect de leurs droits humains les plus aliénables. Défenseur de la théologie de la libération (consistant à libérer les plus démunis de leurs conditions de vie intolérables), l’évêque Ruiz se lance dans une quête de ressources extérieures, afin de résoudre les besoins de la population, de l’accès à l’eau potable aux soins cliniques.

 

Depuis 1979, DESMI est désormais une association civile et poursuit son propre chemin indépendamment de l’Eglise. L’organisation soutient des projets de travail collectif, tout comme l’autodétermination des communautés ayant leur propre idée de développement.

 

Même si l’effectif a diminué de 50% en 10 ans, DESMI s’attache à valoriser la formation de plus de 300 communautés autour de la solidarité dans la production agro-écologique. DESMI intervient notamment dans la commercialisation du café des communautés zapatistes au sein du commerce équitable. Même détaché de l’Eglise, DESMI voit ses fonds solidaires provenir essentiellement d’organismes religieux. On notera l’aide du Comité Catholique Français contre la faim et de l’organisme allemand Pan para el Mundo (traduction espagnole).

 

Aujourd’hui, la coordinatrice Maria Estrella Busco reste optimiste dans le maintien des activités de DESMI. Les fonds sont sur le déclin suite à la crise et aux nécessitées plus urgentes des pays africains. « Le Mexique n’est plus vu comme un pays sous-développé, mais cette année, nous avons enregistré une augmentation de 12 millions de personnes en situation de pauvreté alimentaire supplémentaire ».

 

L’alimentation de base des mexicains est le maïs, denrée normalement accessible par tous… Avant que le Mexique ne devienne dépendant de la production de maïs transgénique à faible coût provenant des Etats-Unis. De plus, l’arrivée des biocarburants transformés à partir de la plante n’a fait que grimper le prix du marché, provoquant une véritable « crise du maïs ». Nombreux sont les petits producteurs du Chiapas qui ont déserté leurs parcelles rurales, du fait de la main mise des industriels sur le marché. Une loi vient même de passer récemment au parlement mexicain, autorisant désormais la production OGM dans les Etats du nord du pays.

 

Il en faut plus pour vaincre San Cristobal. Pour revaloriser la culture locale du maïs, Luz Del Carmen Silva Perez travaille avec 33 femmes de San Cristobal de las Casas au sein de l’organisme Mujeres y Maiz sur sa transformation et sa commercialisation sous forme de tortilla (galette de mais).

 

Aujourd’hui, Mujeres y Maiz achète sa production uniquement à l’échelle locale en provoquant la transition biologique des cultures des petits producteurs. « La hausse du prix ne facilite pas cette transition, car ces producteurs n’ont pas encore la confiance nécessaire dans les techniques agro-écologiques, et ils ont aujourd’hui peur de perdre leur maigre récolte ».

 

Pour augmenter la production locale et saine, Luz Del Carmen cherche à motiver la consommation locale. A long terme, l’objectif est d’établir des partenariats exclusifs entre l’organisation et les producteurs ayant une part organique. Les garanties d’achat sont vectrices de production.

 

En attendant, l’association Mujeres et Maiz fait partie du réseau de producteurs et consommateurs Comida Sana y Cercana (Nourriture saine et proche). Véritable marché responsable, il permet de regrouper la production locale garantissant son propre label.

 

Hector Moguel est un de ces producteurs à la volonté inébranlable. Il défend le fait que les produits locaux doivent être sains et ne pas coûter plus cher. « Au supermarché, on ne sait pas toujours d’où proviennent les produits, et les conditions d’acheminement ne sont pas les meilleures pour les produits frais ».

 

200 familles s’alimentent dans ce circuit court créé par 30 producteurs. « Il y a beaucoup de gens qui viennent le week-end, même si nous changeons souvent de lieux. Au final, les gens nous connaissent sous la forme d’un réseau et non de producteurs organiques isolés ».

 

Avec l’aide du centre de recherche EcoSur, les producteurs ont mis en place une certification participative, à laquelle les consommateurs peuvent même participer. « Chacun a sa manière de travailler, mais nous gardons une ligne commune autour de la production biologique et la diversité dans les produits. On regrette par exemple que la certification Certinex n’ait des exigences que sur le volume et non la diversité ». Ainsi, des groupes d’investigateurs hétéroclites passent en revue les plantations de chacun. On y étudie la nature des produits, et on oriente les producteurs vers la diversité. La participation des consommateurs renforce ce lien de proximité et garantit un label local reconnu.

 

La coopération, c’est une manière d’avancer plus vite dans l’intérêt général. Encore une notion que le Taller Leñateros (littéralement L’atelier des bûcherons) a compris avec en plus une dose débordante de créativité. Cet atelier coopératif est né d’une idée qui nous parait aujourd’hui simple: Recycler le papier. Mais en 1975, auriez vous pensé à récupérer le papier du tout San Cristobal pour le revaloriser sous formes diverses? De l’idée d’Ambar Past, américaine expatriée à l’origine du projet, le Taller Leñateros propose aujourd’hui son style local au monde entier. « Paradoxalement, l’atelier est plus connu à l’étranger! » nous commente Ambar.

 

Sur place, le routard recommande de venir visiter ce monde bien particulier. On y découvre les étapes de la refrabrication de la pâte à papier, en passant par l’impression à l’ancienne dont Gutemberg serait fier, à la finition des livres.

 

Ici, le livre phare se nomme Bolom Chon. Arrivé en 2007, il raconte le folklore musical et artistique de la communauté indigène Tzotzile. Très populaire au Chiapas, il est en ce moment en processus de traduction en langue arabe. A l’heure où nous passions, l’atelier concentrait ses forces sur la finalisation de 100 livres. 2 semaines et 11 personnes à temps plein étaient alors nécessaires. Au total, plus de 250 familles travaillent en orbite autour de la coopérative, fournissant les fibres naturelles, les fleurs, tout en ayant leur propre activité en parallèle.

 

Preuve que le recyclage est à son paroxysme à San Cristobal, il est désormais écrit sur la porte de l’atelier « Nous n’acceptons plus de papier », pour des problèmes… de stocks ! Récemment, le recyclage se tourne vers les cd, pour donner naissance à d’étonnantes compositions. Créatif et coopératif, l’atelier réussit bien son évolution.

 

Avec Majomut en chef d’orchestre, le travail solidaire se porte bien dans la ville de San Cristobal de las Casas, preuve qu’un développement local peut porter ses fruits et dynamiser l’emploi dans les régions non industrialisées et isolées.

 

Vos reporters sur place,

 

MG-MT

 

 

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