Projet SARA: Expérimentation d’un modèle de production durable

 

 

Le centre paroissial développe par l’intermédiaire du projet SARA un modèle de production agro-forestier.  »Nous ne faisons que copier le modèle naturel, la « Pachamama«  (mère nature en langue Queschua) est notre guide sur ce programme » commente Séraphin. Ainsi, l’objectif de ce modèle est de coupler plusieurs espèces végétales, arbres fruitiers, légumes et arbres forestiers dans le but de produire, vendre et consommer durablement. Présentation de ce désordre naturel qui mettra de l’ordre dans vos idées.

 

 

L’agriculture durable, une histoire de « matériel organique »

 

C’est donc ici que le 3eme pilier du projet SARA voit le jour (voir article précédent), comprendre comment chaque organisme interagit avec son voisin. « Si on veut parler d’une vraie agriculture durable, la fertilité du sol doit augmenter et non baisser comme dans toute production monoculture. A force que l’on retourne la terre, le sol devient de plus en plus dur chaque année et les nutriments pour les plantes se font plus rares, obligeant l’intervention d’agents extérieurs artificiels ».

 

C’est dans cette voie que la polyculture arrive progressivement dans le centre parroisial. « Notre proposition, c’est de proposer un modèle aux communautés leur offrant une diversité mais tout en gardant la production et la rentabilité comme objectifs premiers ».

 

 

Ainsi,  nous pénétrons sur la parcelle expérimentale du centre, une surface de 200 m2. La production centrale est la pomme. Les 30 abres fruitiers offriront chaque année 2 caisses de 20 kilos chacun à 250 BOL (25€) la caisse, soit 15000 BOL (1500€), l’équivalent de 12 SMIC boliviens. Sauf qu’ici les pommiers ne sont pas alignés en rang, et en cherchant bien dans cette « Jungle productive », on trouve aussi des navets, du blé, des haricots,  des arbres forestiers plus un complément naturel non planté par Séraphin. « La nature fait son travail en produisant des graines et en produisant de la matière organique, « l’énergie du sol », la fameuse biomasse ». Ce mélange diatonique est bon pour le sol, apportant un équilibre naturel.

 

 

 

Et à la vue des mauvaises herbes, Seraphin reste prudent « tant qu’elles ne gênent pas ma plante, rien ne sert de les couper, elles produisent encore pour mon sol. De plus, tout ce qui est coupé sert de couverture superficielle autour de mes arbres producteurs ». L’idée est de ralentir le processus de décomposition organique tout en apportant du matériel organique en continu. « A quoi sert-il de brûler tout ce que nous trouvons inutile alors qu’il sert à mon sol? » continue Séraphin.

 

On ne parle plus de la même rentabilité qu’en monoculture, où seul le rendement à l’hectare fait foi. « Mais quand on additionne toutes les espèces avec lesquelles je travaille ici, et leur action sur mon sol, on obtient un rendement global sur la durée bien meilleur ». Auto-consommation, production, et durabilité du sol, tout cela fait bon ménage.

 

 

 

 

Quelle échelle pour ce genre de pratique? Vers la fin des machines?

 

Cette pratique est elle vouée à rester locale? Pour l’instant oui, même si Seraphin nous a fait part d’un projet bien plus important en termes de taille de production dans la région de Santa Cruz. Mais ce qui est intéressant ici c’est qu’on ne parle plus d’auto-consommation, il y a une vraie logique de marché orientée vers la connaissance des ressources du territoire et « l’éco-efficacité » par la maitrise de la consommation d’eau, le maintien de la fertilité et la pluridiversité des produits.

 

« On expérimente cette pratique dans le centre mais nous l’avons aussi mis en place dans plusieurs familles. Pour l’instant, cela se fait sur de petites parcelles pour ne pas perdre trop d’argent en cas d’erreurs, car nous expérimentons chaque jour » commente Séraphin.

 

 

Mais ce qu’on retient de cette expérience, c’est que la machine a disparu. Plus besoin de tracteur pour labourer, fertiliser, récolter. « Les passages du tracteur dans l’agriculture conventionnelle détruisent l’activité sous-terraine en action. Si il y a plus d’espèces sous-terraines (notamment les racines), votre fertilité grimpe, vous n’avez pas besoin de mâchines, la nature se gère toute seule ». C’est aussi moins de travail pour les paysans. En termes de densité, il aurait fallu deux fois la surface pour faire pousser d’un côté le blé, de l’autre les navets et les flageolets. « Ici, on regarde l’évolution de chaque espèce, on travaille sur le désordre naturel ». Bien sûr, il faut connaître les complémentarités des plantes, car toutes les combinaisons ne sont pas bonnes. Certaines espèces d’haricots grimpent sur le blé par exemple, gênant sa croissance . C’est là que la connaissance de l’ingénieur agronome est importante.

 

Cette expérience a le mérite de faire réfléchir sur les évolutions possibles de l’agriculture. Réfutant la monoculture et les pratiques conventionnelles, ces íngénieurs se sont engagés dans une transition productive écologique. Reste maintenant à multiplier ces expériences tout en extrapolant leur échelle à un système de production plus important dans le but d’évaluer son potentiel. Mais rien ne vous empêche de tester cette pratique chez vous!

 

Néanmoins, Un seul véritable frein à ces pratiques existe aujourd’hui selon Seraphin : les certifications. Elles bloquent l’agro-écologie et la production organique. Pourquoi un consommateur devrait payer plus cher pour un produit plus sain? Pourquoi un producteur bolivien doit-il payer 1500€ à l’année pour une certification internationale imposant une règle depuis un bureau? Ces questions sont primordiales et doivent être résolues à plus grande échelle pour booster la production « alternative » qui devrait pourtant devenir la « norme ». Mais à quel prix et qui en seraient les bénéficiaires?

 

Vos reporters sur place

 

MG-MT

 

 

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Une réflexion au sujet de « Projet SARA: Expérimentation d’un modèle de production durable »

  1. Super article, qui soulève bien (pour l’agro-ignare que je suis) les enjeux aussi bien humain que techniques, locaux ou globaux. Balèze :) Profitez bien de toutes ces rencontres qui doivent valoir leur pesant de cacahuètes.

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