Cuba : De l’indépendance à la révolution, un contexte géopolitique complexe

 

En arrivant à Cuba, on se rend compte rapidement que l’on a beaucoup de choses à apprendre et à comprendre de ce pays. Cuba est une énigme permanente, que nous avons essayé de décrypter grâce à son peuple, ce peuple qui nous a raconté son histoire.

 

Terre d’esclavage sous domination espagnole puis américaine, Cuba n’a jamais eu le choix de sa propre destinée. Jusqu’au 1er Janvier 1959. En ce jour, les hommes de Fidel Castro, menés par Ernesto Guevara et Camilo Cienfuegos entrent dans La Havane et prennent le pouvoir. Fulgence Batista se refugie en République Dominicaine, la dictature est renversée. Cette date marque la victoire de la Révolution Cubaine. S’en suivent 53 ans de pouvoir de la famille Castro.

 

Ce n’était pourtant pas gagné d’avance. Cuba obtient son indépendance à la suite du traité de Paris de 1898, et notamment grâce à José Marti (qui meurt peu avant la signature du traité). Même indépendants et souverains, les cubains n’ont pas eu leur mot à dire et ne sont même pas conviés à la signature.

 

Cuba reste sous surveillance américaine. Après le retrait de leur force militaire, le sénat américain vote en 1902 l’amendement Platt. Il impose la construction de la base militaire de Guantanamo, et octroie aux américains le droit d’intervenir militairement en toute situation d’instabilité compromettant leurs intérêts.

 

S’en suit une dépendance de Cuba envers les Etats-Unis, notamment vis-à-vis du commerce de la canne à sucre. L’influence politique s’accentue, les généraux de l’armée cubaine s’imposent en dictateur pour préserver l’ordre économique.

 

En 1952, alors que les élections le donnent perdant, le général Fulgence Batista réalise un nouveau coup d’Etat. Cela laisse amer ses principaux rivaux, dont un jeune avocat de 26 ans nommé Fidel Castro. Ce dernier décide alors de prendre les armes. Nombreux sont ceux qui le rejoignent. Les rebelles s’entraînent et se cachent dans le sud de l’île.

 

Le 26 juillet 1953, Castro et ses hommes attaquent la caserne militaire de la Moncada, à Santiago de Cuba. C’est un véritable échec. Si Fidel et Raul Castro parviennent à s’en tirer, beaucoup d’autres sont capturés, torturés puis exécutés. Quelques jours plus tard, Fidel Castro est à son tour capturé. Son jugement lui offrira une tribune politique où il rédigera lui-même sa plaidoirie : « la historia me absolvera » (« l’histoire m’acquittera »).

 

L’opinion publique ayant très mal réagi aux exécutions de la Moncada, Castro ne sera pas tué mais emprisonné sur l’ile de la Juventud. En 1955, Batista amnistie tous les prisonniers politiques. Castro s’exile au Mexique afin de préparer sa révolution. C’est là-bas qu’il rencontre le « Ché », Ernesto Guevara. Le 2 décembre 1956, Castro et ses hommes débarquent dans le sud de Cuba. Commence alors une longue marche vers la Havane, qui prend fin le 1er Janvier 1959.

 

Les premières réformes de Castro sont tournées vers le peuple. Il réalise une réforme agraire et nationalise les entreprises américaines. La santé devient gratuite, l’éducation également. Il n’y a alors à l’époque pas de différence de classe. La société est très égalitaire, et surtout solidaire. Ce n’est pas nous, mais les cubains qui le disent!

 

En 1961, des mercenaires soutenus pas les USA tentent d’envahir Cuba. C’est le célèbre débarquement de la baie des cochons. Les forces révolutionnaires repoussent l’attaque. Dès lors, les USA imposent un embargo économique sur l’île, toujours en vigueur actuellement. En 1962, l’URSS installe des missiles nucléaires moyenne portée sur le sol cubain. C’est la crise des missiles, on frôle la 3ème guerre mondiale.

 

À la chute du bloc soviétique, en 1991, Cuba perd son principal partenaire économique. L’île entame une période très difficile : la « période spéciale ». Les salaires baissent, le PIB chute de moitié, un rationnement drastique est imposé. Cuba ne disposant de quasi aucune ressource naturelle, le gouvernement décide d’ouvrir l’île au tourisme.

 

Pour pallier le manque d’infrastructures hôtelières, le gouvernement autorise les habitants à louer des chambres. Les touristes peuvent ainsi se loger dans des « casas particulares ». En 2004, le dollar est interdit à Cuba. Le peso convertible (CUC), est alors créé pour le remplacer. Il est indexé sur le dollar. C’est la monnaie des touristes. Mais c’est aussi la monnaie avec laquelle on peut acheter certains produits de première nécessité (papier hygiénique, savon…). Les cubains sont donc très demandeurs de ces fameux CUC. Or les salaires eux, sont payés en peso cubano. Ils varient entre 200 et 800 pesos cubanos, soit entre 8 et 32 CUC. Entre 6.5 et 26 euros.

 

Les premiers à bénéficier de cette monnaie sont les cubains louant des chambres. Les fameuses « casas particulares ». Les touristes les paient en CUC. Mêmes s’ils doivent payer des taxes à l’Etat, leurs revenus sont très nettement augmentés (jusqu’a 10 fois plus qu’en travaillant). Une nouvelle classe s’est créée à Cuba. Celle des gens qui ont des CUC. Des tensions apparaissent entre les gens de milieux différents, la solidarité diminue. Dans la rue, tous les moyens sont bons pour récolter cette précieuse denrée: vendeurs ambulants, trafic de faux cigares, taxis improvisés, faire la manche… Le model cubain, basé sur la solidarité au cœur de la société, est en train de s’effondrer sur lui-même.

 

Aujourd’hui, Cuba reste le pays où la liberté d’expression est la moins respectée. On parle de plus de 15 000 opposants fusillés depuis 1959. Ces violations des droits de l’homme sont néanmoins très peu documentées, car toute organisation présente sur le sol cubain doit être identifiée, contrôlée et orientée par le gouvernement. Reporters sans frontières dénonça à plusieurs reprises Cuba comme tenant le rang de la seconde prison pour journalistes au monde. Cependant, la neutralité et l’indépendance de cette ONG ont été remises en cause à plusieurs reprises par ses membres fondateurs sur le cas de Cuba.

 

Au travers des âges, les cubains font partie de ces peuples qui ont le moins exercé leur souveraineté nationale. De l’indépendance à la dictature, de la révolution à l’oppression, qu’a pu réellement en tirer ce peuple qui sans cesse pâtit de sa situation insulaire isolée ? Chacun est à même de porter un jugement sur Cuba, mais quel jugement portent les cubains eux-mêmes sur le propre sort ? Les avis sont partagés, entre désir d’enrichissement et amour de leur île. La chute du régime castriste annoncera la fin de la chrysalide économique ?

 

Vos reporters de retour en France,

 

MG-MT

 

 

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