Santiago de Okola : L’agro-biodiversité comme moteur du tourisme rural

 

Le lac Titicaca, perché du haut de ses 3800m, offre par son climat étonnamment agréable à cette altitude la découverte de la culture andine. Côté Bolivien, la zone est du lac fait partie du parc national Apolobamba. Au creux du lac, la communauté de Santiago de Okola se dresse autour de sa montagne sacrée, « el dragon dormido » (le dragon dormant).

 

Le devoir de mémoire:

 

Nous sommes ici au centre de l’héritage précolombien peu connu. Le territoire de Santiago de Okola constituait une des régions de la cultura Chiripa, une civilisation datant principalement de -500 avant JC. Lui succéda ensuite la civilisation pré-inca Tiahuanacota, après JC. Ces deux mouvements humains furent les pionniers dans l’art céramique, la mise en place des cultes religieux tout comme la manipulation de l’écosystème de manière sédentaire.

 

Au moment de la « Conquista » espagnole, les nouveaux venus craignirent de se rendre dans la région d’Okola à cause d’une malédiction lancée par les autochtones suite au pillage de trésors sacrés autour du lac. Le domaine a donc gardé ses traditions sans prendre part au développement et à la christianisation.

 

L’impact des organismes de tourisme

 

En 2005, deux organismes de tourisme détectèrent le potentiel de cet héritage culturel : Sendas Altas et La Paz on foot. Ensembles, Ils travaillent avec la communauté d’Okola afin de mettre en place un service d’accueil des touristes. La Paz on foot s’investit dans des séjours entièrement dédiés à la communauté quand Sendas Altas l’inclut dans des tours globaux de découverte de la Bolivie et de l’Amérique du sud. Mais comme pour toute activité économique, un potentiel aussi riche nécessita des stratégies d’actions pour développer au maximum l’intérêt pour cette culture.

 

Tourisme + agro-biodiversité = Savoir faire à transmettre

 

Ainsi, Santiago de Okola n’est pas un simple lieu de repos paisible. Certes vous pouvez profiter des activités de plein air en partant à la découverte des plages bordant la montagne du « dragon dormido » et bénéficier d’un hébergement complet. C’est la base du tourisme solidaire. Mais ici à Santiago, l’objectif a été surtout de mettre au centre de l’activité la richesse de l’agro-biodiversité de la région. Grâce à l’organisme ProInpa, Santiago de Okola s’est transformée en un véritable centre de recherche dans la conservation des espèces végétales originaires. On en dénombre 17 au total, et une centaine de variétés. La plupart sont des pommes de terre, à la texture et au goût bien particuliers.

Les touristes ont alors l’opportunité d’en apprendre davantage en matière d’agro-écologie tout comme sur l’origine et les techniques de réintroduction d’espèces anciennes.

 

En plus de faire vivre leur culture, les habitants d’Okola transmettent ce savoir faire agricole oublié, noyé par l’agriculture conventionnelle. Nous sommes face à une réappropriation des techniques ancestrales, ré-enseignées par ceux qui n’ont cessé de les pratiquer.

 

Les femmes d’Okola se dédient quant-à elles à l’apprentissage des techniques textiles. A base de fibre naturelle d’obeja, ces tissus sont très convoités par leur qualité. De plus, toutes les teintes colorées sont issues des plantes locales.

 

Un savoir faire de cette importance se doit-il seulement d’être véhiculé à cette échelle? Comment mettre en place ces pratiques à une plus grande échelle? Cette expérience a pour grand mérite d’apporter une nouvelle réponse à la transmission du savoir, par l’intermédiaire du tourisme communautaire. Une preuve que les problématiques de l’économie sociale et solidaire et d’un développement durable sont ancrées l’une dans l’autre.

 

Depuis Juin 2006, « L’association intégrale de Santiago de Okola » administre le potentiel naturel de son territoire dans le but de conserver les liens de son glorieux passé et éviter la migration des jeunes vers le monde urbain. Un pari réussi qui mérite une meilleure reconnaissance. C’est aujourd’hui un nouveau plaisir de le faire découvrir.

 

Vos reporters sur place,

 

MG-MT

 

Red de Turismo Campesino: Valorisation d’un patrimoine régional dans le respect des cultures originaires

 

Au sud de Salta, la Quebrada de las Conchas débouche sur les Vallées Calchaquíes. Cette immense terre fertile apporte une richesse gastronomique autour des vignobles et des condiments alimentaires, très réputée en Argentine. Vallée perdue parfois isolée en saison de pluie, ce territoire s’organise autour de son savoir-faire et de ses ressources naturelles. Si loin de Buenos Aires, les traditions indigènes restent ancrées dans la vie de tous les jours dans les communautés autour de la ville de Cafayate.  Un patrimoine ancestral autour des pratiques agricoles qui ouvre ses portes à un tourisme responsable depuis plusieurs années. Récit d’une vraie prise de décision collective, visant à améliorer l’économie de plusieurs communautés, dans le respect des valeurs humaines et environnementales.

 

 

Partage et respect de leur patrimoine

 

12 communautés, 50 familles, voici les acteurs du Red de Turismo Campesino. Certains sont d’agiles artisans, d’autres de fins gastronomes viticoles, plusieurs sont en plus d’honorables maîtres d’hôtes. Tous les ans, ils accueillent environ 200 touristes. Un chiffre qui traduit l’idée de ne pas tendre vers un tourisme de masse, mais plutôt vers un tourisme sélectif.

 

Les communautés indigènes sont fières de leur culture mais tout aussi fières de la partager avec des touristes responsables qui souhaitent apprendre de leur mode de vie, proche de la nature et de leur territoire. « C’est un véritable échange culturel » nous commente Soledad, nouvellement présidente du Red, l’objectif étant que « les touristes se sentent bien avec nous, qu’ils partagent nos activités quotidiennes et notre culture ».

 

 

« Tout dépend des exigences des touristes » continue Soledad, insistant sur le fait que ce n’est pas du tout un cercle refermé sur lui-même et peu accueillant. Au contraire, le touriste choisit ses activités après la première prise de contact par e-mail, et peut même préciser son régime alimentaire s’il est végétarien ! Les familles s’adaptent à leurs hôtes, et en contre partie un véritable code éthique prend forme, les touristes doivent respecter les heures de repas, limiter les nuisances sonores après une certaine heure…et ne pas porter de bikini! Loin d’être autoritaire, ce code est avant tout là pour respecter le rythme de vie des activités paysannes et la tradition des communautés. « Nous ne sommes pas des hôtels mais des maisons familiales ».

 

De la récolte du raisin aux ateliers artisanaux autour du textile ou de la céramique, le touriste peut tout aussi bien préférer les balades en montagne guidée ou simplement se reposer en apprenant la cuisine des plats régionaux (comme les fameuses empanadas, ou autres humitas et tamales). Selon la durée du séjour, de 2 à 10 jours, les touristes passent d’une communauté à une autre pour distribuer équitablement les revenus perçus. Les prix commencent à partir de 300 pesos argentins par jour (55€) incluant l’intégralité des repas, le logement et la participation aux ateliers. Aujourd’hui 8 familles peuvent recevoir de 4 á 6 personnes maxima par nuit.

 

 

Analyse d’un besoin, réflexion collective

 

La majorité de ces familles vivaient de leur propre production avant la création du réseau de tourisme solidaire. Les vendanges tardives offrent de la qualité plutôt que de la quantité, mais les revenus sont concentrés sur une courte période l’année. L’agriculture des condiments alimentaires tout comme l’artisanat local reste réputée, mais la participation aux férias régionales n’est que ponctuelle. Dans une logique de développement soutenable, la diversification des revenus fut la principale motivation, de même que le renforcement de l’économie communautaire. Au delà de la production, la mise en place du réseau avait aussi pour idée d’améliorer les services basiques de chaque famille, comme l’accès à l’eau potable ou au courant électrique.

 

 

 

7 ans déjà se sont écoulés depuis l’enclenchement du processus de tourisme solidaire au sein des communautés Calchaquíes. 4 années furent nécessaires pour faire germer l’idée et l’amener à maturation. 4 années durant lesquelles les 12 communautés ont dû réfléchir à quel tourisme elles voulaient se prêter, pour quel public et avec quels objectifs personnels et financiers. La multiplication des assemblées générales mena d’abord à la création de la coopérative de producteurs intercommunautaire, pour ensuite définir les axes d’orientations du tourisme en question. Les membres de la coopérative se regroupent désormais tous les 2 mois pour orienter les évolutions. Un conseil d’administration de 12 personnes élu chaque année se réunit en plus 1 fois par mois pour s’occuper des questions de gestion et d’économie.

 

Du regroupement local à l’articulation nationale

 

Le statut juridique de coopérative leur permet de vendre à la fois au siège de l’organisation dans la commune de San Carlos, mais aussi de participer aux férias régionales organisées par le gouvernement provincial. Les relations avec les pouvoirs sont d’autant plus importantes que le réseau travaille avec le Sous-secrétariat d’agriculture familiale qui lui octroie de petites subventions pour améliorer leur activité, tout comme les infrastructures. Grâce à l’aide de l’ambassade de Suisse, la commune du Divisadero au sud de Cafayate dispose désormais de son réseau d’eau potable. Plusieurs communautés n’ont toujours pas l’accès à l’électricité, mais la question de la conservation des aliments régionaux appuie le travail du réseau vis-à-vis du gouvernement pour obtenir le raccordement des dernières communautés.

 

Depuis 2010, l’organisation fait partie du Red Argentina de Turismo Rural (RATuRC). Ce réseau national regroupe une vingtaine d’organisations de tourisme rural et a pour but de soutenir les peuples originaires dans leur quête de reconnaissance aux yeux du reste de l’Argentine, en découvrant par les activités touristiques les racines profondes du pays. Il n’existe malheureusement pas encore de loi en Argentine reconnaissant le tourisme communautaire de manière légale. Mais grâce à l’articulation de ce réseau très représenté dans la région de Salta, on est à l’aube d’une loi fédérale régulant l’activité au niveau provincial. 

Aujourd’hui, le réseau de tourisme rural des Vallées Calchaquies a terminé son cycle de mise en orbite. Les communautés souhaitent accueillir plus de touristes responsables, sans étendre à un tourisme global. Grâce à l’aide de 4 agences de voyages et de leur site internet (http://www.turismocampesino.org) la découverte et le contact se font plus facilement. Le processus de commercialisation est désormais l’objectif principal de l’organisation.

 

Vos reporters sur place,

 

MG-MT