La Havane : l’éclectisme, témoin de l’Histoire cubaine

 

 

Isolée du reste du monde ; Cuba fascine pour son histoire personnelle et ses mythes révolutionnaires. Terre de contraste, Cuba est énigmatique, contradictoire, fière, belle, détestable. Unique.

 

Si loin de « l’American way of life », la Havane est pourtant la capitale latine la plus proche des Etats-Unis. Son rythme haletant est une bonne entrée sur l’ile dirigée par la famille Castro depuis 53 ans. Il nous dévoile les traits d’un peuple ouvert, bâti sur l’isolement forcé et la conviction de la défaillance du modèle libéral sur le plan social et environnemental. La réponse communiste n’en fut pas moins un modèle idéal, brisant les aspects fondamentaux de la démocratie pour un intérêt collectif ?

 

La Havane est un théâtre à ciel ouvert, un musée aux portes ouvertes. Au milieu des vieilles bâtisses coloniales délabrées, les calèches côtoient les vieilles voitures américaines des années 50. C’est véritablement le premier témoignage de l’embargo imposé par les américains depuis 1962. Les peintures murales remplacent la publicité, glorifiant les héros de la révolution comme un certain Ernesto Che Guevara. Les étalages sont maigres, rappelant les difficultés pour Cuba de s’auto-suffire alimentairement. Dans l’espoir de toucher une commission, les rabatteurs insistent pour que vous assistiez à leur concert de salsa sous les sons de Buena Vista Social Club. Mais vous pouvez vous en détacher sans stress et avec un sourire.

 

La Havane est un choc brutal pour certains, entre incompréhension et séduction. Il n’y a pas d’espace tampon, c’est une confrontation culturelle et idéologique qui s’impose à vous. Mais le charme s’installe, la Havane devient prenante et envoutante. Coupé de toute communication extérieure, les pas vous guident vers la vie active. Dans la rue, le commerce bat son train pour une poignée de pesos. La vie est dure et la rationalisation s’accentue. Il en faudrait plus pour que la vie s’arrête à la Havane.

 

Le soir, cubains et touristes se retrouvent le long du Malecon, cette longue promenade longeant le bord de mer. Ils viennent s’y balader, se rassemblent autour de quelques groupes de « son » et de « salsa » revisitant leurs classiques. Tard dans la nuit, les portes restent ouvertes, les échanges entre balcons se multiplient et la rue reste éveillée. Ici, la notion de mixité sociale n’existe pas. Pourtant, elle se développe dans l’ombre d’un système contraint au déclin.

 

L’idéologie est pourtant bien intégrée, comme en témoigne la plaza de la Revolucion. C’est ici que Fidel Castro y prononça ses grands discours politiques. On y trouve deux portraits géants d’Ernesto Che Guevara et de Camillo Cienfuegos, héros moins connu du grand public mais idolâtré par les cubains. Dominant la place, un monument fut érigé à la mémoire de José Marti. Ecrivain et poète de la fin du XIXème siècle, il fut le principal acteur de l’indépendance cubaine. Ses écrits sont aujourd’hui étudiés par tous les jeunes écoliers cubains.

 

Aujourd’hui encore, les cubains ne satisfont pas tous leurs besoins. Ils vivent avec peu, ils ne connaissent pas la surconsommation. L’isolement les contraint à exploiter leurs ressources de manière durable, tout en ouvrant leur économie au tourisme de masse. Forcée politiquement à perdurer un système poussé à la contradiction, la société cubaine révèle des avancées humaines et se porte en modèle de la cohésion sociale et environnementale. Pourtant, personne ne s’avance sur le futur de Cuba, qui reste flou et sous-contrôle de la famille Castro jusqu’à nouvel ordre. A l’aube d’un changement de paradigme sur l’ile sucrière, une question persiste et dérange : doit on s’inspirer des idées et des avancées d’un pays communiste ?

 

Vos reporters de retour en France,

 

MG-MT,

 

 

Cuba : De l’indépendance à la révolution, un contexte géopolitique complexe

 

En arrivant à Cuba, on se rend compte rapidement que l’on a beaucoup de choses à apprendre et à comprendre de ce pays. Cuba est une énigme permanente, que nous avons essayé de décrypter grâce à son peuple, ce peuple qui nous a raconté son histoire.

 

Terre d’esclavage sous domination espagnole puis américaine, Cuba n’a jamais eu le choix de sa propre destinée. Jusqu’au 1er Janvier 1959. En ce jour, les hommes de Fidel Castro, menés par Ernesto Guevara et Camilo Cienfuegos entrent dans La Havane et prennent le pouvoir. Fulgence Batista se refugie en République Dominicaine, la dictature est renversée. Cette date marque la victoire de la Révolution Cubaine. S’en suivent 53 ans de pouvoir de la famille Castro.

 

Ce n’était pourtant pas gagné d’avance. Cuba obtient son indépendance à la suite du traité de Paris de 1898, et notamment grâce à José Marti (qui meurt peu avant la signature du traité). Même indépendants et souverains, les cubains n’ont pas eu leur mot à dire et ne sont même pas conviés à la signature.

 

Cuba reste sous surveillance américaine. Après le retrait de leur force militaire, le sénat américain vote en 1902 l’amendement Platt. Il impose la construction de la base militaire de Guantanamo, et octroie aux américains le droit d’intervenir militairement en toute situation d’instabilité compromettant leurs intérêts.

 

S’en suit une dépendance de Cuba envers les Etats-Unis, notamment vis-à-vis du commerce de la canne à sucre. L’influence politique s’accentue, les généraux de l’armée cubaine s’imposent en dictateur pour préserver l’ordre économique.

 

En 1952, alors que les élections le donnent perdant, le général Fulgence Batista réalise un nouveau coup d’Etat. Cela laisse amer ses principaux rivaux, dont un jeune avocat de 26 ans nommé Fidel Castro. Ce dernier décide alors de prendre les armes. Nombreux sont ceux qui le rejoignent. Les rebelles s’entraînent et se cachent dans le sud de l’île.

 

Le 26 juillet 1953, Castro et ses hommes attaquent la caserne militaire de la Moncada, à Santiago de Cuba. C’est un véritable échec. Si Fidel et Raul Castro parviennent à s’en tirer, beaucoup d’autres sont capturés, torturés puis exécutés. Quelques jours plus tard, Fidel Castro est à son tour capturé. Son jugement lui offrira une tribune politique où il rédigera lui-même sa plaidoirie : « la historia me absolvera » (« l’histoire m’acquittera »).

 

L’opinion publique ayant très mal réagi aux exécutions de la Moncada, Castro ne sera pas tué mais emprisonné sur l’ile de la Juventud. En 1955, Batista amnistie tous les prisonniers politiques. Castro s’exile au Mexique afin de préparer sa révolution. C’est là-bas qu’il rencontre le « Ché », Ernesto Guevara. Le 2 décembre 1956, Castro et ses hommes débarquent dans le sud de Cuba. Commence alors une longue marche vers la Havane, qui prend fin le 1er Janvier 1959.

 

Les premières réformes de Castro sont tournées vers le peuple. Il réalise une réforme agraire et nationalise les entreprises américaines. La santé devient gratuite, l’éducation également. Il n’y a alors à l’époque pas de différence de classe. La société est très égalitaire, et surtout solidaire. Ce n’est pas nous, mais les cubains qui le disent!

 

En 1961, des mercenaires soutenus pas les USA tentent d’envahir Cuba. C’est le célèbre débarquement de la baie des cochons. Les forces révolutionnaires repoussent l’attaque. Dès lors, les USA imposent un embargo économique sur l’île, toujours en vigueur actuellement. En 1962, l’URSS installe des missiles nucléaires moyenne portée sur le sol cubain. C’est la crise des missiles, on frôle la 3ème guerre mondiale.

 

À la chute du bloc soviétique, en 1991, Cuba perd son principal partenaire économique. L’île entame une période très difficile : la « période spéciale ». Les salaires baissent, le PIB chute de moitié, un rationnement drastique est imposé. Cuba ne disposant de quasi aucune ressource naturelle, le gouvernement décide d’ouvrir l’île au tourisme.

 

Pour pallier le manque d’infrastructures hôtelières, le gouvernement autorise les habitants à louer des chambres. Les touristes peuvent ainsi se loger dans des « casas particulares ». En 2004, le dollar est interdit à Cuba. Le peso convertible (CUC), est alors créé pour le remplacer. Il est indexé sur le dollar. C’est la monnaie des touristes. Mais c’est aussi la monnaie avec laquelle on peut acheter certains produits de première nécessité (papier hygiénique, savon…). Les cubains sont donc très demandeurs de ces fameux CUC. Or les salaires eux, sont payés en peso cubano. Ils varient entre 200 et 800 pesos cubanos, soit entre 8 et 32 CUC. Entre 6.5 et 26 euros.

 

Les premiers à bénéficier de cette monnaie sont les cubains louant des chambres. Les fameuses « casas particulares ». Les touristes les paient en CUC. Mêmes s’ils doivent payer des taxes à l’Etat, leurs revenus sont très nettement augmentés (jusqu’a 10 fois plus qu’en travaillant). Une nouvelle classe s’est créée à Cuba. Celle des gens qui ont des CUC. Des tensions apparaissent entre les gens de milieux différents, la solidarité diminue. Dans la rue, tous les moyens sont bons pour récolter cette précieuse denrée: vendeurs ambulants, trafic de faux cigares, taxis improvisés, faire la manche… Le model cubain, basé sur la solidarité au cœur de la société, est en train de s’effondrer sur lui-même.

 

Aujourd’hui, Cuba reste le pays où la liberté d’expression est la moins respectée. On parle de plus de 15 000 opposants fusillés depuis 1959. Ces violations des droits de l’homme sont néanmoins très peu documentées, car toute organisation présente sur le sol cubain doit être identifiée, contrôlée et orientée par le gouvernement. Reporters sans frontières dénonça à plusieurs reprises Cuba comme tenant le rang de la seconde prison pour journalistes au monde. Cependant, la neutralité et l’indépendance de cette ONG ont été remises en cause à plusieurs reprises par ses membres fondateurs sur le cas de Cuba.

 

Au travers des âges, les cubains font partie de ces peuples qui ont le moins exercé leur souveraineté nationale. De l’indépendance à la dictature, de la révolution à l’oppression, qu’a pu réellement en tirer ce peuple qui sans cesse pâtit de sa situation insulaire isolée ? Chacun est à même de porter un jugement sur Cuba, mais quel jugement portent les cubains eux-mêmes sur le propre sort ? Les avis sont partagés, entre désir d’enrichissement et amour de leur île. La chute du régime castriste annoncera la fin de la chrysalide économique ?

 

Vos reporters de retour en France,

 

MG-MT

 

 

El Mundo Maya : Terre spirituelle, poumon d’une civilisation qui garde ses couleurs

 

 

Le Chiapas,  théâtre du tombeau Maya

 

Laissant San Cristobal de las Casas derrière soi, on ne peut quitter le Chiapas sans s’engouffrer dans la jungle qui borde les montagnes. Sur la route qui mène aux ruines de Palenque, c’est un esprit communautaire et autonome qui règne. Ici, on est loin d’accepter la politique gouvernementale, la population indigène préfère se tourner vers ses origines. Le sang maya vient de leurs gènes, un sang discriminé mais qui ne cesse de croire en la conservation de son modèle de vie, tourné vers la conservation de la nature, comme moyen de survie.

 

La beauté des chutes d’Agua Azul témoigne de la pureté de la région.

 

Nombreuses sont les communautés ethniques qui vivent sur ce territoire, dont les lacandons sont les plus connus. Vivant loin des centres urbains, ils disposent d’une connaissance de la nature, de la médecine traditionnelle, à base de plantes médicinales. Loin du développement, les lacandons vivent avec peu, mais pour longtemps.

 

Tonina, Bonampak, Yaxchilan furent des cités vassales de la grande Palenque, l’un des sites mayas des plus étendus. Les archéologues y ont d’ailleurs découvert la tombe de Pakal, grand souverain de la cité de Palenque qui vécut ses 80 ans ! Il ordonna lui-même la construction de son tombeau, où l’on retrouva des ornements d’une valeur inestimable.

 

Mais le mystère des mayas perdure. Contrairement aux aztèques, ils ne furent pas exterminés par les espagnols. La civilisation maya s’effondra autour des années 1000, mais plusieurs hypothèses persistent. On parle de guerre interne, de catastrophe écologique ou d’incident démographique…

 

Aujourd’hui, les mayas sont connus pour leur prédiction de « la fin du monde ». En se penchant sur l’origine de cette prophétie, on se rend vite compte que le 21 décembre 2012 n’est que la fin d’un cycle du calendrier  maya, entrainant la venue d’une nouvelle ère, sous le signe de la spiritualité. L’humanité se réveillera le 22 décembre, peut-être avec une conscience nouvelle.

 

Le Guatemala, berceau de l’apogée Maya.

 

Le Guatemala se trouve au cœur de l’ancien empire Maya.  Le véritable nom de ce pays est d’ailleurs « COA’TEMALA », ce qui signifie « terre de l’eternel printemps », « terre de toutes les couleurs ». Bien que colonisés par les espagnols en 1524, les guatémaltèques revendiquent leur identité indigène. Aujourd’hui encore, une vingtaine de dialectes Mayas sont parlés au Guatemala. La majorité de la population est de sang originaire. Comme au Mexique, elle n’est pas représentée dans la vie politique et sociale du pays.

 

 

 

Enfoui dans la jungle, Tikal (« le lieu des échos ») est le plus grand et sûrement l’un des plus beaux sites Mayas d’Amérique Latine. Construit à partir du VIIème siècle avant J.C., il s’étendait sur une surface de 160 km² à son apogée. C’était un centre religieux et une cité active.

 

Les Mayas construisirent de nombreuses pyramides dont la plus haute, le temple IV, culmine à 64,60 mètres de haut. La cité sera progressivement abandonnée au cours du déclin de la civilisation Maya, vers l’an 900, laissant la nature reprendre ses droits.

 

C’est en 1543 que la ville d’Antigua est fondée. A l’époque, la ville est la capitale espagnole d’un territoire allant du Chiapas au Panama. Mais les tremblements de terre successifs ont eu raison d’elle, et ont contraint les espagnols à déplacer leur capitale vers une autre ville, Ciudad de Guatemala.

 

Elle n’en n’a pour autant pas perdu son charme. Cette ville aux rues pavées et aux vielles bâtisses coloniales est incontestablement la plus belle du Guatemala. À 1500 mètres d’altitude, elle est entourée de trois volcans: l’Agua, le Fuego et l’Acatenango. Ces derniers témoignent de l’activité sismique de la région. La dernière éruption conséquente date de 2010, fermant ainsi l’accès au sommet du Volcan Pacaya, non loin d’Antigua.

 

Le Guatemala obtint son indépendance en 1821. Les dictatures et gouvernements totalitaires se sont ensuite succédés jusqu’en 1944. Des réformes sociales sont alors mises en places afin de réduire les inégalités. En 1952, le président Jacobo Arbenz Guzmán lance une réforme agraire. Il redistribue les terres non cultivées du géant américain de l’époque : la United Fruit. Au total, ce sont 900 000 ha qui reviennent à 100 000 familles. En 1954, la CIA et la United Fruit organise un coup d’état et une nouvelle dictature s’installe.

 

En 1960, une guérilla rurale voit le jour. S’en suivent 36 ans de guerre civile, opposant le gouvernement allié aux milices d’extrême droite, aux guérilleros. En 1996, un accord de paix est enfin signé. Cette guerre aura fait près de 200 000 morts, dont une grande majorité d’indigènes.

 

Vos reporters sur place

 

MG-MT

 

San Cristobal de las Casas : Organisation sociale à l’échelle d’une ville

 

L’histoire de San Cristobal est liée à ses communautés indigènes. Dès 1969, l’évêque Samuel Ruiz fonde l’organisme DESMI (Desarrollo Economico et Social de los Mexicanos Indigenas), avec un objectif clair : Sortir les peuples indigènes de l’isolement et la pauvreté. Ils subissent alors une très forte discrimination, allant jusqu’à la non-reconnaissance et le non respect de leurs droits humains les plus aliénables. Défenseur de la théologie de la libération (consistant à libérer les plus démunis de leurs conditions de vie intolérables), l’évêque Ruiz se lance dans une quête de ressources extérieures, afin de résoudre les besoins de la population, de l’accès à l’eau potable aux soins cliniques.

 

Depuis 1979, DESMI est désormais une association civile et poursuit son propre chemin indépendamment de l’Eglise. L’organisation soutient des projets de travail collectif, tout comme l’autodétermination des communautés ayant leur propre idée de développement.

 

Même si l’effectif a diminué de 50% en 10 ans, DESMI s’attache à valoriser la formation de plus de 300 communautés autour de la solidarité dans la production agro-écologique. DESMI intervient notamment dans la commercialisation du café des communautés zapatistes au sein du commerce équitable. Même détaché de l’Eglise, DESMI voit ses fonds solidaires provenir essentiellement d’organismes religieux. On notera l’aide du Comité Catholique Français contre la faim et de l’organisme allemand Pan para el Mundo (traduction espagnole).

 

Aujourd’hui, la coordinatrice Maria Estrella Busco reste optimiste dans le maintien des activités de DESMI. Les fonds sont sur le déclin suite à la crise et aux nécessitées plus urgentes des pays africains. « Le Mexique n’est plus vu comme un pays sous-développé, mais cette année, nous avons enregistré une augmentation de 12 millions de personnes en situation de pauvreté alimentaire supplémentaire ».

 

L’alimentation de base des mexicains est le maïs, denrée normalement accessible par tous… Avant que le Mexique ne devienne dépendant de la production de maïs transgénique à faible coût provenant des Etats-Unis. De plus, l’arrivée des biocarburants transformés à partir de la plante n’a fait que grimper le prix du marché, provoquant une véritable « crise du maïs ». Nombreux sont les petits producteurs du Chiapas qui ont déserté leurs parcelles rurales, du fait de la main mise des industriels sur le marché. Une loi vient même de passer récemment au parlement mexicain, autorisant désormais la production OGM dans les Etats du nord du pays.

 

Il en faut plus pour vaincre San Cristobal. Pour revaloriser la culture locale du maïs, Luz Del Carmen Silva Perez travaille avec 33 femmes de San Cristobal de las Casas au sein de l’organisme Mujeres y Maiz sur sa transformation et sa commercialisation sous forme de tortilla (galette de mais).

 

Aujourd’hui, Mujeres y Maiz achète sa production uniquement à l’échelle locale en provoquant la transition biologique des cultures des petits producteurs. « La hausse du prix ne facilite pas cette transition, car ces producteurs n’ont pas encore la confiance nécessaire dans les techniques agro-écologiques, et ils ont aujourd’hui peur de perdre leur maigre récolte ».

 

Pour augmenter la production locale et saine, Luz Del Carmen cherche à motiver la consommation locale. A long terme, l’objectif est d’établir des partenariats exclusifs entre l’organisation et les producteurs ayant une part organique. Les garanties d’achat sont vectrices de production.

 

En attendant, l’association Mujeres et Maiz fait partie du réseau de producteurs et consommateurs Comida Sana y Cercana (Nourriture saine et proche). Véritable marché responsable, il permet de regrouper la production locale garantissant son propre label.

 

Hector Moguel est un de ces producteurs à la volonté inébranlable. Il défend le fait que les produits locaux doivent être sains et ne pas coûter plus cher. « Au supermarché, on ne sait pas toujours d’où proviennent les produits, et les conditions d’acheminement ne sont pas les meilleures pour les produits frais ».

 

200 familles s’alimentent dans ce circuit court créé par 30 producteurs. « Il y a beaucoup de gens qui viennent le week-end, même si nous changeons souvent de lieux. Au final, les gens nous connaissent sous la forme d’un réseau et non de producteurs organiques isolés ».

 

Avec l’aide du centre de recherche EcoSur, les producteurs ont mis en place une certification participative, à laquelle les consommateurs peuvent même participer. « Chacun a sa manière de travailler, mais nous gardons une ligne commune autour de la production biologique et la diversité dans les produits. On regrette par exemple que la certification Certinex n’ait des exigences que sur le volume et non la diversité ». Ainsi, des groupes d’investigateurs hétéroclites passent en revue les plantations de chacun. On y étudie la nature des produits, et on oriente les producteurs vers la diversité. La participation des consommateurs renforce ce lien de proximité et garantit un label local reconnu.

 

La coopération, c’est une manière d’avancer plus vite dans l’intérêt général. Encore une notion que le Taller Leñateros (littéralement L’atelier des bûcherons) a compris avec en plus une dose débordante de créativité. Cet atelier coopératif est né d’une idée qui nous parait aujourd’hui simple: Recycler le papier. Mais en 1975, auriez vous pensé à récupérer le papier du tout San Cristobal pour le revaloriser sous formes diverses? De l’idée d’Ambar Past, américaine expatriée à l’origine du projet, le Taller Leñateros propose aujourd’hui son style local au monde entier. « Paradoxalement, l’atelier est plus connu à l’étranger! » nous commente Ambar.

 

Sur place, le routard recommande de venir visiter ce monde bien particulier. On y découvre les étapes de la refrabrication de la pâte à papier, en passant par l’impression à l’ancienne dont Gutemberg serait fier, à la finition des livres.

 

Ici, le livre phare se nomme Bolom Chon. Arrivé en 2007, il raconte le folklore musical et artistique de la communauté indigène Tzotzile. Très populaire au Chiapas, il est en ce moment en processus de traduction en langue arabe. A l’heure où nous passions, l’atelier concentrait ses forces sur la finalisation de 100 livres. 2 semaines et 11 personnes à temps plein étaient alors nécessaires. Au total, plus de 250 familles travaillent en orbite autour de la coopérative, fournissant les fibres naturelles, les fleurs, tout en ayant leur propre activité en parallèle.

 

Preuve que le recyclage est à son paroxysme à San Cristobal, il est désormais écrit sur la porte de l’atelier « Nous n’acceptons plus de papier », pour des problèmes… de stocks ! Récemment, le recyclage se tourne vers les cd, pour donner naissance à d’étonnantes compositions. Créatif et coopératif, l’atelier réussit bien son évolution.

 

Avec Majomut en chef d’orchestre, le travail solidaire se porte bien dans la ville de San Cristobal de las Casas, preuve qu’un développement local peut porter ses fruits et dynamiser l’emploi dans les régions non industrialisées et isolées.

 

Vos reporters sur place,

 

MG-MT

 

 

Arequipa – Canyon de Colca : L’envol du condor

 

Voleuses de vedettes, Lima et Cusco couvrent l’intérêt premier des visiteurs du Pérou. Arequipa reste la troisième ville de la partie sud du pays à découvrir. Au pied du Volcan Misti, c’est le point de départ vers le Canyon de Colca.

 

Méconnu du grand public, il n’en demeure pas moins le canyon le plus grand du monde par sa profondeur. Une longue traversée accrochant les 5000m mène à la ville de Chivay, porte du canyon.

 

 

La route se suspend ensuite autour des lacets qui grimpent vers les hauteurs. A l’arrivée, c’est l’envol du condor. Avec une envergure atteignant les 3m, l’oiseau longe les falaises, surprend les courants chauds pour gagner en altitude et finit par flâner devant les photographes avant de replonger sur ses proies.

 

A la manière péruvienne, Arequipa arbore un centre historique mêlé de colonialisme. Organisée autour de la Plaza de Armas toujours agréablement décorée, les arcades des alentours limitent la pénétration de la chaleur au sein des bâtiments. Ces allées piétonnes sont dynamiques, la jeunesse s’émancipe dans les artères publiques, parade dans les lieux de rencontres.

 

 

 

 

En plein cœur de la ville, le couvent de Santa Catalina est si vaste qu’il est semblable à une véritable cité avec ses rues, ses jardins et ses parcs. Construit en 1579, ce labyrinthe de couleur n’a pas l’apparence de son austérité passé. Jusqu’en 1970, il accueillait 450 recluses sans aucun contact avec le monde extérieur. Transformé en musée, le couvent est désormais le lieu le plus visité de la ville.

 

Arequipa vit, survit parfois. Au détour d’une route, nous voilà si proche du quartier de Cono Norte, immense bidonville du nord de la ville. Ici, les réalités ne sont pas les mêmes. L’eau potable n’est pas d’actualité, la poussière remplace les routes. le gouvernement et l’Eglise poussent la natalité qui ne tend qu’à appauvrir la population et à grossir ces banlieues délaissées. Les politiques sociales ne sont pas au rendez-vous. A qui la faute?

 

 

Au milieu des tôles, des couleurs vives réveillent le quartier. C’est ici qu’œuvre depuis plus de 30 ans l’association « les enfants du soleil », à qui nous consacrerons un article et une vidéo exclusive dans un futur proche. Ces couleurs, elles proviennent du centre éducatif et nutritionnel pour les enfants du quartier, qui éblouissent de spontanéité, vivacité et d’envie dans leurs uniformes d’écoliers.

 

 

Vos reporters sur place,

 

MG-MT

 

 

Machu Picchu: Mysticité d’un monde caché

 

 

Incontournable, majestueux, merveille de la civilisation Inca. Logée entre la « vielle montagne » Machu Picchu et la « jeune montagne » Huayna Picchu », les ruines sont la plus étonnante représentation de la vie des Incas. L’admiration, le respect, puis l’incompréhension dominent l’arrivée dans ce lieu de culte, jadis habitée par les incantations envers les dieux Incas. Comment ont-ils pu réaliser une telle œuvre digne des grands bâtisseurs des temps modernes?

 

A l’aube, l’humidité de la jungle dépose un voile mystique gardant précieusement les trésors et secrets demeurant en ces lieux. Un par un, les édifices prennent vie, révélateurs d’un monde caché qui s’ouvre et se referme chaque jour.

 

C’est en grimpant le sommet de la montagne Machu Picchu que l’on comprend l’étendue de la tâche des Incas. La brume effacée, une fine bande de terre sur laquelle s’étend le site archéologique voit ses contours dessinés. Un précipice de chaque côté, ou presque, puisque la technique des Incas pour renforcer la structure du fin plateau fut de réaliser des terrasses en escalier de part et d’autres, avec les pierres du même lieu. A la vue de la conservation et de la faible érosion du terrain, on comprend facilement l’ingéniosité du système de l’époque.

 

 

Tout était réuni pour garder cet endroit sacré loin des yeux du conquistador. Les premières réelles recherches archéologiques datent de 1911. Hiram Bingham entreprit son travail avec l’aide de l’université de Yale. Le site n’ouvrit qu’en 1948.

 

Aujourd’hui, le Machu Picchu accueille tellement de visiteurs que le gouvernement repousse l’échéance de sa fermeture pour une véritable restauration. Tout a été mis en œuvre pour y faciliter l’accès. Une ligne de train Cusco-Aguas Calientes, a été spécialement construite pour rallier ensuite les ruines par une route isolée. Privatisée par les anglais, cette voie ferroviaire express profite de son exclusivité pour afficher des prix exorbitants. Les quelques routard choisiront la voie alternative. 5 fois plus longue, il est possible de longer la voie ferrée sur plusieurs kilomètre en contournant ensuite la vallée complète. De quoi en dissuader plus d’un et donner des regrets quant à l’authenticité d’un tel site. Heureusement, les locaux voyage en train à petit prix.

 

De part sa notoriété, Machu Picchu fait de l’ombre aux nombreuses ruines de la Vallée Inca. Les anciennes cités de Pisac et Ollantaytambo méritent pourtant de s’y intéresser. Toutes deux ont eu un rôle important dans le développement de l’hégémonie Inca, et furent des villes contrôlant les points de passage dans le royaume. Toute deux surplombant les environs, elles gardent aussi les vestiges des constructions Incas, ancrées dans les montagnes de la Vallée. Il est vivement conseillé d’entrer dans le monde Inca par sa Vallée avant de s’attaquer au lieu sacré.

 

 

Malgré tout, il faut le voir pour le croire. Le Machu Picchu traverse les siècles en imposant le respect de toute une civilisation qui perdure dans le coeur et le sang des péruviens.

 

 

Vos reporters sur place,

 

MG-MT

 

 

La Paz : A la rencontre d’un mouvement national

 

Dans les articles précédents, nous avons abordés à plusieurs reprises la notion d’articulation du mouvement d’économie solidaire et sociale, horizontale et verticale. La première distingue le regroupement des organisations locales, la seconde consiste à changer d’échelle, avec la mise en place de réseaux nationaux et internationaux.

 

C’est un processus nécessaire selon les économistes de l’ESS, qui tend à renforcer les réflexions et l’impact des initiatives locales. Il vise à donner de la crédibilité à un mouvement porté depuis le bas de l’échelle par les acteurs locaux. La multiplication de ces « bulles locales » nous à amené à rencontrer le mouvement national bolivien pour une économie sociale et solidaire et un commerce équitable. Récit d’une lutte collective pour une coopération avec les pouvoirs publics.

 

 

Associations, entrepreneurs, doctorants, chercheurs, représentant du gouvernement, organismes internationaux et le dernier invité surprise Alternavista s’étaient données rendez-vous lundi 19 mars. A l’initiative du Centre d’Etudes et de Coopération Internationale (CECI – Canada)  et de la présidente du mouvement pour l’ESS et le CJ Wilma Quinteros, l’assemblée s’est regroupée autour d’une table ronde afin de partager et d’échanger les expériences en matières d’ESS et analyser l’avancée des actions menées conjointement.

 

La seule présence du Vice Ministre du Commerce Intérieur et des Exportations montre la volonté des acteurs de l’ESS de travailler main dans la main avec les pouvoirs publics. « L’un des objectifs principaux du mouvement est d’avoir une réelle incidence sur les politiques publiques pour qu’elles tendent à améliorer les conditions des petits entrepreneurs, appuyées par des textes de lois », nous commente Wilma Quinteros.

 

Plusieurs chercheurs sont allés s’inspirer des expériences voisines en matière d’ESS. C’est le cas de Beatriz Delgado, qui présente ses travaux après un passage au Brésil. « Cela fait déjà 10 ans que le Brésil s’est doté d’un Secrétariat d’Etat dédié à l’ESS. Il y a de nombreuses avancées, le mouvement est reconnu et impulsé par l’Etat, qui achète par exemple aux producteurs à un prix juste ». L’Equateur quant à lui est un pays souvent cité pour être le seul à avoir intégrer l’ESS dans sa constitution et dans les textes de lois.

 

Certains représentants d’associations d’artisans et de producteurs boliviens ont fait le déplacement. Leur intérêt est tourné vers les organismes de finances solidaires, à qui la seconde partie de l’atelier est réservée. « Nous devons évidemment conter sur les finances solidaires, qui doivent être soutenues par les politiques publiques de la même manière. Plusieurs banques se disent de microcrédit populaire mais ne répondent pas aux critères des producteurs, les requis étant inatteignables tout comme la hauteur des crédits prêtés » continue Wilma.

 

 

Porte parole de son association regroupant 1300 familles d’artisans, Emilana Yogua nous confie que « La qualité des produits est très liée à la l’organisation et à la gestion économique et financière, à l’analyse des coûts. Nous partageons nos idées sur la production, l’innovation, la qualité. Ces échanges internes résultent de la solidarité qui nous lient et nous font travailler dans cette logique d’économie sociale et solidaire de manière efficace »

 

Au total, 75 organisations ont rejoint le mouvement bolivien depuis sa création en 2008. « Le réseau devrait croître plus rapidement, mais nous avons la volonté de renforcer les organismes productifs du pays, en améliorant les capacités de production. Cela passe par des stratégies de formation, d’accompagnement, mais aussi de communication au niveau du gouvernement, du milieu académique et dans les médias », nous affirme Dario Alanoca de l’organisme Caritas Bolivianas, qui fait en plus partie de la table technique du mouvement.

 

 

C’est d’ailleurs sur ces thèmes de diffusion qu’est centrée l’intervention du Monsieur Velasco. Chercheur pour le Forum International d’Economie Sociale et Solidaire (FIESS), il présenta les résultats boliviens d’une étude transversale sur l’ESS quant à l’avancée des politiques publiques dans plusieurs pays du monde comme l’Espagne, le Canada, l’Afrique du sud ou encore le Mali. Enrichi de ces autres expériences, Monsieur Velasco considère plusieurs axes de réflexion pour renforcer les liens entre les pouvoirs publics et la société civile bolivienne :

 

- Renforcer la recherche théorique et appliquée pour avoir des indicateurs visibles et des mesures concrètes de l’avancée des différent formes de l’ESS.

 

- Etendre la plateforme d’associés stratégiques, dans le public au niveau départemental, régional  comme au sein des syndicats et des entreprises.

 

- Jouer sur des terrains compétitifs en matière d’ESS et commerce équitable.

 

- Articuler les stratégies autour d’autres formes du développement comme la sécurité alimentaire, le respect de l’environnement, l’aspect générationnel et l’intégration de la femme.

 

Le FIESS s’est déroulé en octobre dernier à Montréal, devant 86 pays représentés et plus de 1500 personnes réunies. Une marque de l’intérêt mondial porté à l’ESS.

 

L’atelier s’est terminé par une réflexion collective sur les actions à mener pour renforcer le mouvement bolivien d’ESS. Trois groupes de travail se sont formés et doivent rendre compte de l’avancée des travaux boliviens, sous deux mois, et sur les thèmes suivants :

 

- Relation entre la société civile et le secteur public à tous les niveaux

 

- Education en Economie Sociale et Solidaire

 

- Promotion, sensibilisation et diffusion de l’ESS

 

En fin de journée, Wilma nous accorde sa conclusion de cette journée de travail « Il nous manque des campagnes massives de diffusion autour de l’ESS, mais cela représente du temps, de l’engagement et de l’investissement volontaire. C’est aussi passer moins de temps auprès de sa famille. Il n’y a aucun intérêt économique, nous nous battons pour un développement humain intégral, pour que la Bolivie sorte de la pauvreté. Nous allons dans le bon sens, vers l’équité ».

 

 

Partager, réfléchir, agir. L’ESS en Bolivie prend ses racines dans son capital humain.

 

Vos reporters sur place,

 

MG-MT

 

Cochabamba: La gestion de l’eau au cœur du débat


A mi-chemin entre la Paz et Santa Cruz, les deux plus grands viviers humains de Bolivie, Cochabamba se révèle à la frontière de deux mondes séparés par deux climats. Bordée par les montagnes de l’Altiplano, les températures oscillent au fil du jour. Simultanément, l’humidité ondule pour déverser en abondance les pluies tropicales de la forêt vierge proche. Une vallée fertile s’est donc développée, accrochée à la montagne.

 

La zone urbaine s’étend chaque année, les ruraux migrant vers la cité à la recherche d’un pseudo-eldorado. En se rapprochant de la Selva (la forêt vierge), c’est l’agriculture intensive qui s’éveille. C’est surtout la promesse d’un travail, certes à faible salaire et en désaccord avec la culture indigène, mais sûr. Urgence sociale, urgence environnementale, faut-il choisir en Bolivie? Séraphin et le projet Sara eux ont décidé de prendre le taureau par les deux cornes (voir articles sur le projet Sara).

 

 

 

 

Cochabamba est réputée pour ces mouvements sociaux. La ville fut le siège des plus grandes émeutes subies par le pays ces 20 dernières années. En cause, la privatisation du réseau d’eau et l’interdiction de forer des puits personnels. Une banalité pour les peuples d’occident, une question de survie pour les habitants de Cochabamba. La ressource eau devient petit à petit au centre des problématiques économiques.

 

Honneur au film « Tambien la lluvia » qui décrit ces émeutes du début des années 2000, tout en posant la problème de la discrimination des peuples indigènes depuis la conquista espagnole. Une rencontre entre la vision occidentale et les réalités locales.

 

 

 

 

Malheureusement la Bolivie n’est pas le seul pays qui subit des pressions liées à l’eau. En France, un ancien cadre de l’entreprise Veolia attaqua son ancien employeur, dénonçant les fraudes liées à la privatisation des réseaux d’eau français. Au travers du film « Water makes money », il fit taire le silence que son ancien employeur avait essayé d’acheter, avant de perdre un procès qui lui coûta gros.

 

 

De la France à Cochabamba, la problématique est la même: Jusqu’à quel prix achèteront nous l’eau? Dans les pays les plus nécessitant, la question est cruciale. La goutte qui fera déborder le vase approche-t-elle? La gestion de l’eau, un des défis du XXI siècle.

 

Alors Cochabamba est-elle au bord du gouffre? Leurs revendications sociales entendues, les habitants se tournent vers d’autres projets. A voir la reconnaissance désormais mondiale de son université d’agro-écologie, la ville est déjà entrée dans un processus de transition sociale et environnementale. Un long travail mené conjointement avec les organisations locales, l’université et les institutions publiques. Pourvu que ça dure.

 

Vos reporters sur place,

 

MG-MT

 

Projet SARA: Expérimentation d’un modèle de production durable

 

 

Le centre paroissial développe par l’intermédiaire du projet SARA un modèle de production agro-forestier.  »Nous ne faisons que copier le modèle naturel, la « Pachamama«  (mère nature en langue Queschua) est notre guide sur ce programme » commente Séraphin. Ainsi, l’objectif de ce modèle est de coupler plusieurs espèces végétales, arbres fruitiers, légumes et arbres forestiers dans le but de produire, vendre et consommer durablement. Présentation de ce désordre naturel qui mettra de l’ordre dans vos idées.

 

 

L’agriculture durable, une histoire de « matériel organique »

 

C’est donc ici que le 3eme pilier du projet SARA voit le jour (voir article précédent), comprendre comment chaque organisme interagit avec son voisin. « Si on veut parler d’une vraie agriculture durable, la fertilité du sol doit augmenter et non baisser comme dans toute production monoculture. A force que l’on retourne la terre, le sol devient de plus en plus dur chaque année et les nutriments pour les plantes se font plus rares, obligeant l’intervention d’agents extérieurs artificiels ».

 

C’est dans cette voie que la polyculture arrive progressivement dans le centre parroisial. « Notre proposition, c’est de proposer un modèle aux communautés leur offrant une diversité mais tout en gardant la production et la rentabilité comme objectifs premiers ».

 

 

Ainsi,  nous pénétrons sur la parcelle expérimentale du centre, une surface de 200 m2. La production centrale est la pomme. Les 30 abres fruitiers offriront chaque année 2 caisses de 20 kilos chacun à 250 BOL (25€) la caisse, soit 15000 BOL (1500€), l’équivalent de 12 SMIC boliviens. Sauf qu’ici les pommiers ne sont pas alignés en rang, et en cherchant bien dans cette « Jungle productive », on trouve aussi des navets, du blé, des haricots,  des arbres forestiers plus un complément naturel non planté par Séraphin. « La nature fait son travail en produisant des graines et en produisant de la matière organique, « l’énergie du sol », la fameuse biomasse ». Ce mélange diatonique est bon pour le sol, apportant un équilibre naturel.

 

 

 

Et à la vue des mauvaises herbes, Seraphin reste prudent « tant qu’elles ne gênent pas ma plante, rien ne sert de les couper, elles produisent encore pour mon sol. De plus, tout ce qui est coupé sert de couverture superficielle autour de mes arbres producteurs ». L’idée est de ralentir le processus de décomposition organique tout en apportant du matériel organique en continu. « A quoi sert-il de brûler tout ce que nous trouvons inutile alors qu’il sert à mon sol? » continue Séraphin.

 

On ne parle plus de la même rentabilité qu’en monoculture, où seul le rendement à l’hectare fait foi. « Mais quand on additionne toutes les espèces avec lesquelles je travaille ici, et leur action sur mon sol, on obtient un rendement global sur la durée bien meilleur ». Auto-consommation, production, et durabilité du sol, tout cela fait bon ménage.

 

 

 

 

Quelle échelle pour ce genre de pratique? Vers la fin des machines?

 

Cette pratique est elle vouée à rester locale? Pour l’instant oui, même si Seraphin nous a fait part d’un projet bien plus important en termes de taille de production dans la région de Santa Cruz. Mais ce qui est intéressant ici c’est qu’on ne parle plus d’auto-consommation, il y a une vraie logique de marché orientée vers la connaissance des ressources du territoire et « l’éco-efficacité » par la maitrise de la consommation d’eau, le maintien de la fertilité et la pluridiversité des produits.

 

« On expérimente cette pratique dans le centre mais nous l’avons aussi mis en place dans plusieurs familles. Pour l’instant, cela se fait sur de petites parcelles pour ne pas perdre trop d’argent en cas d’erreurs, car nous expérimentons chaque jour » commente Séraphin.

 

 

Mais ce qu’on retient de cette expérience, c’est que la machine a disparu. Plus besoin de tracteur pour labourer, fertiliser, récolter. « Les passages du tracteur dans l’agriculture conventionnelle détruisent l’activité sous-terraine en action. Si il y a plus d’espèces sous-terraines (notamment les racines), votre fertilité grimpe, vous n’avez pas besoin de mâchines, la nature se gère toute seule ». C’est aussi moins de travail pour les paysans. En termes de densité, il aurait fallu deux fois la surface pour faire pousser d’un côté le blé, de l’autre les navets et les flageolets. « Ici, on regarde l’évolution de chaque espèce, on travaille sur le désordre naturel ». Bien sûr, il faut connaître les complémentarités des plantes, car toutes les combinaisons ne sont pas bonnes. Certaines espèces d’haricots grimpent sur le blé par exemple, gênant sa croissance . C’est là que la connaissance de l’ingénieur agronome est importante.

 

Cette expérience a le mérite de faire réfléchir sur les évolutions possibles de l’agriculture. Réfutant la monoculture et les pratiques conventionnelles, ces íngénieurs se sont engagés dans une transition productive écologique. Reste maintenant à multiplier ces expériences tout en extrapolant leur échelle à un système de production plus important dans le but d’évaluer son potentiel. Mais rien ne vous empêche de tester cette pratique chez vous!

 

Néanmoins, Un seul véritable frein à ces pratiques existe aujourd’hui selon Seraphin : les certifications. Elles bloquent l’agro-écologie et la production organique. Pourquoi un consommateur devrait payer plus cher pour un produit plus sain? Pourquoi un producteur bolivien doit-il payer 1500€ à l’année pour une certification internationale imposant une règle depuis un bureau? Ces questions sont primordiales et doivent être résolues à plus grande échelle pour booster la production « alternative » qui devrait pourtant devenir la « norme ». Mais à quel prix et qui en seraient les bénéficiaires?

 

Vos reporters sur place

 

MG-MT

 

 

Projet SARA : Renforcement de la production agricole en territoire Aramisi

 

La ville de Cochabamba en Bolivie est réputée pour son université agronome et sa spécialité en agro-écologie. Pourtant, c’est à l’extérieur de la ville, perdu dans les montagnes à près de 4000 m d’altitude que se tient un des meilleurs exemples de cas pratique de cette activité. Là où le relief ne facilite pas la production agricole, un groupe d’ingénieurs agronomes travaille en collaboration avec deux paroisses locales afin d’améliorer les techniques de production locales. Rencontre avec Séraphin, défenseur d’une véritable agriculture durable pour des communautés abandonnées à leur territoire.

 

 

De la spiritualité à l’agronomie

 

En 1996, la communauté Aramisi a vu arriver 2 ingénieurs agronomes et coordinateurs de projets, sous la demande du père de la paroisse, P. Axel Gerling. Cet homme de foi travaille déjà sur les thèmes de la santé et de l’éducation avec les communautés avoisinantes. Voyant que la majorité des familles n’a même pas accès à l’auto-production (les pères et fils partant à la ville pour trouver l’eldorado), il décide de faire appel aux ingénieurs agronomes. Le projet SARA (Servicio de Asesoria Rural Ayninakuy – Service de Conseil Rural Mutuel) est né. Grâce à des fonds internationaux allemands, l’objectif central est de maitriser la production, tout en renforçant la foi des populations dans leur territoire. En effet, les populations indigènes ont une forte croyance dans la « Pachamama » alias « mère nature » en langue Queschua.

 

Le centre paroissial se transforme alors en un véritable terrain d’expérience et lieu de formation. German Vargas et Ricardo Crespo commencent leur travail de production avec 4 familles. Aujourd’hui, c’est 400 familles qui ont bénéficié des connaissances en agronomie et peuvent désormais vendre sur les marchés locaux en plus de subvenir à leur propre consommation. Le secret de leur réussite? La maîtrise des ressources territoriales et le respect des plans « naturels ».

 

 

Oui, car avant d’orienter véritablement leurs actions vers l’agro-écologie, il fallait transformer le terrain montagneux en un véritable lieu de production. Pas simple sur le papier, les ingénieurs ont mis en place un système de terrasses adapté au relief. Un véritable découpage qui favorise la surface de production tout comme l’écoulement des eaux de ruissellement et leur infiltration, mais limite aussi l’érosion des sols. Depuis 3 ans, la protection du sol et surtout de sa fertilité deviennent alors le centre du projet. Le centre paroissial évolue lui aussi ses formations vers les pratiques d’agro-écologie

 

 

Le programme SARA : 4 objectifs indissociables sur 3 ans.

 

Récemment arrivé dans l’équipe, Séraphin nous présente le centre et plusieurs productions agricoles de la communauté. Son entrée est dûe à l’évolution du projet SARA. Désormais, 4 « piliers » sont traités simultanément:

1) La protection du sol et de sa fertilité

2) La gestion et l’optimisation des systémes d’irrigation

3) La mise en place d’un système de production diversifié basé sur la polyculture rapprochée et l’intégration dans l’environnement naturel de base.

4) La réintroduction d’espèces arboricoles anciennes

 

 

Ici, la famille des pesticides a été bannie il y a bien longtemps, car originairement inexistante. « Si un insecte vient détruire ma plantation, c’est ce que nous avons fait une erreur » nous affirme Seraphin « C’est un simple indicateur, à nous de faire le nécessaire pour rectifier le tire, mais nous ne parlons pas de maladie à éradiquer ». Et quand on parle des biopesticides (qui sont en fait des substances naturelles controlant certaines maladies des plantes), Seraphin est clair « ils ne changent que la couleur de l’étiquette, et ne sont développés que pour le business ».

 

Quelles sont alors les solutions pour garantir la fertilité du sol? « Expérimenter et apprendre de la nature environnante, le désordre est bien l’ordre de la nature!« . En ce qui concerne le premier point, les ingénieurs se sont penchés sur des engrais organiques, de véritables « bouillons » adaptés pour certaines cultures, à base d’eau et de minéraux organiques. Les formules magiques n’existent pas, mais l’analyse des sols permet de décortiquer le « matériel organique » nécessaire au développement des plantes. Nous analyserons le deuxième point plus précisément dans l’article suivant.

 

 

L’irrigation reste un des problèmes majeurs dans ces régions à deux saisons annuelles. Les pluies abondent de novembre à mars mais se font rares le reste de l’année. Il a fallu optimiser la gestion des sources d’eau naturelles montagnardes. Une technique de stockage d’eau sous la forme d’un puits circulaire a été envisagée, récupérant les faibles courants d’eau. Un système de canalisation permet ensuite d’innonder les terrasses les unes après les autres par gravitation, le puits étant toujours situé au point le plus haut de la production agricole. D’autres systèmes comme l’arrosage rotatif permettent de réduire la consommation d’eau, sans consommer d’énergie complémentaire.

 

 

Pourquoi réintroduire enfin des espèces d’arbres  »originaires »? Pour la diversité naturelle, les apports nutritionnels au sol dans cette région au climat montagneux, mais aussi pour la qualité du bois. « Certains arbres anciens donnent du bois doux pour la fabrication d’instruments de musique comme le Charango (petite guitare d’Amérique latine), tout comme des ustensiles de cuisine. »

 

Au total, le centre parroquial accueille 7500 m2 d’agriculture, et produit une grande variété de légumes, fruits et céréales pour la propre consommation des membres du centre. Tous les ans, plusieurs séminaires sont organisés au centre, qui peut accuellir 40 personnes sur plusieurs jours. Des ingénieurs étrangers viennent participer et apprendre des techniques boliviennes, notamment le chilien Enzo Solaris, que nous avions rencontré au « Canelo de Nos« . Preuve qu’une mini-articulation se met en place…

 

Vos reporters sur place

 

MG-MT